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Lecture de Sloterdijk

« Règles pour le parc humain » est un opuscule devenu célèbre de Peter Sloterdijk, en voici selon moi les phrases qui méritent le plus d’être retenues. (les ajouts en vert ce sont mes commentaires, vous l'aurez compris, les soulignages sont de moi également)


 

« Les livres, observa un jour le poète Jean Paul, sont de longues lettres adressées à des amis ». On ne saurait définir avec plus d'élégance la caractéristique et la fonction de l'humanisme : il est, dans sa quintessence, une télécommunication, une façon de créer des amitiés à distance par l'intermédiaire de l'écriture.

Sans la codification sur des rouleaux de papier transportables, jamais ces courriers que nous appelons la tradition n'auraient pu être envoyés.

(l’auteur) … est conscient du fait que son envoi peut aller au-delà, et provoquer un nombre indéfini d'occasions de se lier d'amitié avec des lecteurs anonymes - voire encore à naître. Du point de vue érotologique, cette amitié hypothétique entre ceux qui rédigent des livres ou des lettres et ceux qui les reçoivent représente un cas d'amour à distance

l'écriture a le pouvoir de transformer l'amour du prochain - et du proche - en amour pour une vie inconnue, lointaine et future.

On pourrait ainsi ramener le fantasme communautaire qui sous-tend tous les humanismes au modèle de la société littéraire, dont les membres découvrent, par la lecture de textes canoniques, leur amour pour des inspirateurs communs.

Dès lors, les peuples se sont organisés en groupes entièrement alphabétisés, de force si besoin était. Chaque nation s'ancrant sur les lectures de référence de sa propre culture. C'est pourquoi, outre les auteurs antiques appartenant au patrimoine commun des Européens, on mobilise les classiques nationaux dont les lettres au public - qui prennent une place démesurée grâce au marché du livre et de l'éducation secondaire - deviennent un puissant ferment pour la création des États. Que sont les nations modernes sinon d'efficaces fictions nées d'une opinion lettrée rassemblée grâce à la lecture des mêmes auteurs ?

En conséquence, les nations bourgeoises allaient devenir, jusqu'à un certain point, des produits littéraires et postaux - fictions d'une amitié inéluctable entre compatriotes, même éloignés, et entre lecteurs enthousiastes des mêmes auteurs.

cf la célèbre pensée de Monteiro Lobato : "Lando fariĝas el homoj kaj libroj."
Et, à ce sujet, je considère, contrairement à une déplorable tendance actuelle dans l’Educ Nat, que l’étude des « classiques » , l’étude et la possession de classiques communs, est très important, vital pour une société, pour la culture, pour des humains. Et contrairement au discours actuel (voir les réflexions là-dessus de Vivianne Forrester dans « L’horreur économique ») sur les fameuses « compétences » qui seraient seules importantes et utiles à apprendre aux élèves, et surtout pas l’inutile culture générale, au contraire maintenant que le sorti de collège a beaucoup plus de risques qu’autrefois de se retrouver chômeur, voire clochard, l’importance d’une culture générale, non bassement utilitaire, est d’autant plus important ! pour li permettre de malgré tout se structurer, d’avoir de quoi se raccrocher, le faire vivre, le nourrir, qu’il n’ait pas que son vide et son impuissance devant lui mais d’autres centres d’intérêt, contact avec le monde, qui lui laisse quand-même une personnalité et des raisons de vivre

L'histoire monstrueuse de la cohabitation entre l'homme et les animaux domestiques n'a pas encore été présentée d'une manière adéquate

Là je ne sais pas si ce qu’il entend c’est (et si c’est ça je serais tout à fait d’accord) ceci par exemple :http://miiraslimake.over-blog.com/archive-09-21-2006.html et:http://www.vegetarisme.fr/Articles/index.php?p=TemoigEtuAba.html

Le sujet de la domestication de l'homme est le grand impensé dont l'humanisme, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, n'a jamais tenu compte. Jusqu'à ce que cela devienne intenable et que nous soyons submergés par cette évidence : ce n'est pas avec des lettres que nous aurions pu ou pourrions arriver à apprivoiser et éduquer l'homme. À l'évidence, la lecture a été le grand pouvoir éducateur des hommes - et dans une mesure plus modeste, elle l'est toujours. La sélection en revanche - peu importe la manière dont elle s'est développée - a toujours été un pouvoir occulte. « Leçon » et « sélection » ont plus en commun que ne saurait l'admettre n'importe quel sociologue

Eh oui ! …par exemple la société du XIXème siècle : la lecture prône le travail et l’épargne, la société sélectionne, ceux qui se conduisent ainsi (et d’abord ceux qui en ont les moyens !), les autres crêvent : vagabonds, de faim ou de mauvais traitements dans les hospices,, sélection aussi chez les riches : les imprévoyants et prodigues se ruinent et meurent aussi (suicide, etc). idem dans la société « timocratique » (en termes platoniciens) qui promeut dans ses lettres courage sens de l’ « honneur », « noblesse » et donc l’éducation (et les biens !) qui les rendent possibles ! et sélectionne ceux qui ont ces qualités et l’expertise des armes, les autres meurent dans l’enfance ou au début de la vie collective par les brimades, tués à la guerre ou forcés par le « déshonneur » à quitter la société et par suite à mourir misérablement.

Jusqu'à la généralisation de l'alphabétisation, la culture lettrée a exercé une influence très sélective sur les sociétés. Elle créait entre lettrés et illettrés un fossé si infranchissable qu'il en faisait presque des espèces différentes.

les hommes sont des animaux parmi lesquels certains sont éleveurs et les autres élevés

C'est la signature de notre époque technologique et anthropo-technologique : de plus en plus de gens se retrouvent du côté actif et subjectif de la sélection, sans avoir volontairement choisi le rôle de sélecteur. On ne peut que le constater : il y a un malaise dans ce pouvoir de choix

D'où l'obsession totalitaire de l'hygiénisme et des normes

Dans un processus de civilisation qui doit affronter une vague de désinhibition sans précédent,

Là pas d’accord, il se trompe, les gens au contraire n’ont jamais été aussi inhibés qu’actuellement !

 

Le propre de l'humanitas est que les hommes se trouvent exposés à des problèmes trop compliqués pour eux sans qu'ils puissent pour autant décider de ne pas y toucher.

Le véritable éleveur, lui, miserait sur la distance et ferait discrètement comprendre que son action consciente le rapproche davantage des Dieux que des créatures confuses placées sous sa protection.

comme les prostituées sous la protection des proxénètes ou les clients sous celle des vigiles privés !…

L'intuition dangereuse de Platon pour les sujets dangereux rencontre le point aveugle de tous les systèmes politiques et pédagogiques civilisés : l'inégalité des hommes face au savoir qui donne le pouvoir.

Il ne s'agit plus seulement de diriger en les apprivoisant des troupeaux déjà dociles, mais d'élever systématiquement des exemplaires humains plus proches de leur état idéal.

Ça s’est toujours fait.
Mais à une époque où on ne pouvait pas empêcher les êtres d’être libres, et pour la majeure partie incontrôlables. C’est ce qui avait créé un équilibre humaniste …

Le lecteur moderne qui tourne son regard tout à fois vers l'éducation humaniste de l'époque bourgeoise, vers l'eugénisme fasciste, et vers l'avenir biotechnologique, reconnaît inévitablement le caractère explosif de ces réflexions.

 

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