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lutte des classes, humanisme, actualité- valeurs de la vie contre les valeurs de mort- Sécuritarisme & Totalitarisme- Esperanto- Littérature, poésie

L'appel à dénonciation crée le sorcier, crée le diable. Est-ce si différent aujourd'hui ?


La sorcellerie dans le Nord de la France ... ou comment,
il y a 400 ans, on savait déjà faire périr des centaines, des milliers de
personnes au nom de psychoses collectives. Ayez une pensée pour ces victimes (et pour leurs proches....)

Mais pensez à une chose..... comme dit Albert Cossery et le montre chaque jour l'histoire et lanalyse psycho-sociale, "il n'y a pas de progrès de l'humanité, les hommes de maintenant sont exactement les mêmes que ceux d'il y a 3 000 ans" (ou 400 ans), les successeurs des gens qui ont fait ça (et ceux qui ont créé l'ambiance, et ceux qui ont approuvé bien au chaud dans leur maison) sont toujours là. Au XXème siècle ils sont peut-être dévotes ou marchands de charbon.

" En 1657 on commença à arrester et brûler des sorciers à Bailleul et dans tous
les environs, ce qui continua jusqu'à l'année 1660.
Le 22 septembre 1659 a commencé un procès criminel, en due forme, à la charge
de Thomas Looten, âgé de 60 ans, habitant de Meteren, vaguement accusé d'être
sorcier et arrêté par ordre du bailly. Après l'audition
de 12 témoins (dont aucun ne dépose de faits positifs à la charge de
l'accusé), on demande au prisonnier s'il désire faire preuve contraire et avoir
avocat ou procureur pour sa défense, à quoi il répond qu'il ne veut pas faire
de contredits ni avoir avocat ou procureur, parce qu'il n'est pas coupable de
l'énormité des noms et faits qu'on met à sa charge et que les hommes de fiefs
peuvent prononcer à sa charge telle sentence qu'il leur plaira, mais qu'ils
tâchent de faire cela si bien qu'en après ils ne soyent pas jugés eux mêmes.
Alors le bailly, employant pour preuve la visite du bourreau, qui avait trouvé
sur l'accusé le stigma diabolique, et remarquant qu'il ne voulait point se
servir de contredits, requit droit, et les hommes de fiefs le condamnent à être
appliqué à la torture, pour, par ce moyen, obtenir son aveu sur les faits mis à
sa charge. Le 2 novembre il est
mis à la torture avec le collier devant le feu, les bras étendus, les pieds
fortement liés et courbés sous une autre chaise de bois que celle sur laquelle
il est assis. Le 4 novembre, après quarante-huit heures de tortures, sans
interruption, le baiIly et les juges, surpris qu'il n'eût pas encore avoué,
interrogent le bourreau, qui déclare que la constitution et la capacité du
prisonnier pouvaient soutenir continuation de torture; et d'après ce, il lui a
été ordonné de continuer les tortures à discrétion jusqu'à nouvel ordre, ce qui
a été fait : plaçant le prisonnier sur une autre chaise préalablement bénite,
lui ôtant sa chemise qui a été brûlée en sa présence, et lui mettant une autre
chemise bénite, et l'aspergeant sur tout le corps avec de l'eau bénite,
continuant en avant dans l'exorcisme par le révérend père capucin, qui l'a ci-
devant exorcisé ; et il a de plus été ordonné que tout le manger et la boisson
qu'on lui donnera seront bénis, et aussi le bois qu'on brûlera au foyer devant
lequel il est assis, et aussi ses vêtements ou liens avec lesquels ses bras
sont attachés près des poignets.
Le 4 novembre, à huit heures du soir, le prisonnier a avoué Le crime dont il
était accusé, et il a été relâché de la torture; mais le 5 novembre, à huit
heures du soir, le prisonnier a été trouvé mort, le cou cassé; et, sur le
réquisitoire du bailly, les hommes de fiefs ont prononcé la sentence dont, par
traduction du flamand, suit la teneur :
" Vu, par les hommes de la souveraine cour féodale des villes et châtellenie
de Bailleul, le procès criminel instruit devant eux entre le bailly de Meteren,
demandeur à cause d'office d'une part, et Thomas Looten, prisonnier, défendeur
d'autre part, à cause que le défendeur est suspecté d'être sorcier et pour se
purger de ce, s'est constitué prisonnier sous la sauvegarde de la dite cour, en
quoi il a été procédé si avant que le défendeur, par ses propres aveux, s'est
reconnu être sorcier depuis environ huit ans, son diable se nommer Harlakyn,
habillé avec des bas verts, ayant les pieds petits, étranges et tordus, d'avoir
reçu alors de lui la marque sur le dos, par quoi il souffrait beaucoup, ce qui
rendait sa vie misérable; d'avoir reçu alors de l'argent du même diable et
d'avoir contracté avec lui et signé le même contrat de son propre sang que le
diable avait tiré de son pouce droit, reniant alors Dieu et ses saints; après
cela, l'avoir bu avec lui à Hazebrouck deux pots de bière; aussi d'avoir été à
Merris à onze heures de nuit, près du tilleul où demeure Adrien de Groote, où
étaient trois à quatre femmes, avec une des plus belles desquelles il a eu
conversation charnelle, se couchant sur l'herbe, et tenant là le sabat en
dansant : et là aussi était un jeune garçon jouant avec un sifflet; allant de
là à Langhewart, il y avait là quatorze femmes et encore quatre hommes ainsi
que quatorze diables, mangeant ensemble de la viande ressemblant à la viande de
veau, buvant de la bière et autre boisson comme du cidre rougeâtre, sans qu'il
y eut là du sel ; ayant aussi en différens temps, été la nuit de la Saint-Jean
et de la Toussaint au sabat, tant à Hondeghem, Sainte-Marie-Cappel,
Steenvoorde, qu'à Blarenghem; à Hondeghem dans un grand chemin non loin de
l'église au nord ; à Sainte-Marie-Cappel dans un grand chemin; à Steenvoorde en
bas au sud; à Blarenghem sur un chemin au levant; il y avait là toujours des
femmes avec eux, avec lesquelles il avait conversation charnelle et toujours
avec une nouvelle femme; étant dans lesquelles assemblées il avait invoqué le
diable qui était bien habillé, et on lui faisait des offrandes mettant sur le
chapeau du diable chacun un pattard et était le même diable sous ta forme d'un
beau jeune homme; de plus, d'avoir reçu de son diable, à Hazebrouck, huit
livres de gros et doubles de Zelande, avec quoi et avec l'argent qu'il avait,
il a acheté là deux porcs; ayant
encore reçu en différens temps du même diable bien dix-huit livres de gros en
jacobus d'or, avec quoi il a acheté à Cassel et à Hazebrouck quatre vaches
qu'il a ensuite revendues à Bailleul et chez lui; ayant aussi reçu du même
diable de l'onguent vert avec quoi il se graissait aux aisselles, bras, mains
et autres endroits, pour voler où il désirait, et qu'il avait reçu chaque fois
telle quantité d'onguent qu'il pouvait avec cela se graisser deux ou trois
fois, conséquemment faire deux ou trois voyages, ayant volé de sa demeure
jusque chez Adrien Degroote, et la dernière fois à Hondeghem, à présent passé
environ deux mois, avouant aussi que son diable l'a secouru dans la
torture jusqu'à ce qu'il l'ait abandonné mardi au matin environ les neuf
heures avant midi, et que le susdit contrat, signé par lui était resté à son
diable; que lui étant en prison le même diable est venu lui rendre visite dix
ou douze fois et a souffert pour lui les tourments de la torture; ensemble
conseillé qu'il se rendrait prisonnier; de plus, qu'il a reçu du diable
susnommé de la poudrette verte pour exercer ses sorcelleries, ainsi qu'il l'a
fait à Hondeghem, en ensorcelant un veau rouge blanchâtre qui était là,
pourquoi il a profité du même diable deux doubles et demi de Zelande ; item un
cheval de Guillaume Herman à Meteren , pourquoi il a profité d'un florin; item
deux vaches de Claude Pouvillon à Berkyn, ayant profité pour chacune de vingt
pattars; item trois vaches de Martin Bertbeloot à Meteren, pourquoi il a tiré
seize pattars pour chaque vache; item la vache de la femme de Mathieu Wyts, et
a eu pour cela dix pattars en petits pattars item d'avoir ensorcelé une génisse
rouge à Jacques Durant pourquoi il a eu cinq pattars en pattars de France sans
croix.
En outre d'avoir ensorcelé l'enfant d'Adam Wycaert, en lui donnant trois
prunes sur lesquelles il avait préalablement craché, pourquoi il avait reçu du
diable cinq pattars. - Outre autres exécrables et abominables faits imputés à
sa charge, et finalement après qu'il fut délivré de sa torture d'environ vingt
heures, il a eu le cou cassé et été suffoqué par le susdit diable, ainsi les
mêmes lui sont restés.
" En conséquence la Cour faisant droit, a condamné et condamné le susdit corps
mort à être traîné jusque sur un échafaud ici sur la place; et là à être brûlé
à la discrétion des hommes; et après cela être voituré à la place patibulaire,
sur le mont de S'graevensberghe, et mis sur une roue pour l'exemple d'autres;
outre ce, confisque tous les biens du même Looten, au profit de ceux qu'il
appartient, frais et mises de justice préalablement déduits.
" Ainsi prononcé en pleine Cour formée le 6 novembre 1659. "

Cette sentence remplie de tant d'absurdités et de choses impossibles, dont les
dépositions vagues des témoins à charge ne font pas mention, peut-elle être
attribuée à l'ignorance ou à la barbarie des juges ?
Ils étaient au nombre de vingt-quatre,
dont plus d'un tiers étaient avocats ou
licenciés en droit . - Sans doute le fanatisme et l'ignorance dominaient alors;
les choses les plus simples et les plus naturelles étaient attribuées au
sortilège, lorsqu'on n'en connaissait pas la cause; mais la lecture des procès
criminels à la charge de sorciers ou sorcières, me fait croire qu'en cela un
monstre jouait trois rôles; il était à la fois accusateur, juge et bourreau.
Probablement agent secret de l'inquisition, il dénonçait comme complices des
malheureux qu'îl avait torturés, les personnes qui lui étaient indiquées; lui
seul jugeait s'ils avaient sur le dos la marque diabolique, et dès lors leur
supplice et la mort la plus cruelle étaient inévitables. Des aveux, arrachés
par des douleurs insupportables, motivaient leur condamnation; des juges trop
crédules croyaient faire une belle action, en torturant le diable qui souffrait
pour l'accusé, et
en condamnant le corps à être brûlé vif pour sauver l'âme du
sorcier . Le bourreau, comme dépositaire des prétendus aveux de l'accusé,
fournissait la matière de. la sentence, dont peut-être il donnait la minute,
car toutes se ressemblent, et il y inscrivait des choses révoltantes pour
écarter du malheureux supplicié la pitié des spectateurs (rien de nouveau sous le soleil) qui
accouraient pour voir cet horrible spectacle.
Voici la copie de pièces jointes au procès sus-mentionné : La première est une
lettre adressée par Ies bailly, nobles, vassaux et hommes de fief de la cour de
Cassel, aux bailly et hommes de fief de la Cour de Bailleul; la seconde en est
la réponse.

" Cassel, le 11 novembre 1699.

" Nobles et dignes Seigneurs,
" Nous avons entendu de la bouche du bourreau qui est occupé ici à torturer un
malfaiteur, qu'il a été employé à mettre à la torture quelques sorcières qui
auraient témoigné et accusé quelques personnes demeurant en cette châtellenie
pour, sur ce, faire justice, nous venons demander et prier vos noblesses en
faveur de justice, de nous
envoyer un double des témoignages, du moins de ce qui résulte à la charge de
nos justiciables; ce qu'attendant par cet exprès, restons, " Nobles et dignes
Seigneurs, vos nobles affectionnés amis et voisins,
etc. "

" Bailleul, -12 novembre 1699.

" Nobles, dignes et prévoyants Seigneurs,
" Pour satisfaire à la demande de vos noblesses laissons savoir que Thomas
Looten justicié ici comme sorcier, a entre autres, avoué que ses complices sont
et a été au sabat avec les mêmes, savoir Jean Becue, de Vieuberquin François
Deroo d.'au-delà d'Hazebrouck d'un nommé Caloentye, demeurant à Hondeghem âgé
d'environ quarante ans, un autre aussi sur Hondeghem nommé François Van-Len
batard, avec lesquels il a été au sabat, passé environ deux mois au nord de
l'église d'Hondeghem, un autre nommé Pierre ... , de grande posture, demeurant
près du Sec-Bois, qui aurait ensorcelé le sieur Jacques Vexsteen, sur Meteren.,
avec des poux, par la recommandation du même justicié ; et Antoine Bryce de
Longhewact, qui aurait ensorcelé le cheval de Martin Berteloot au susdit
Meteren, pourquoi il aurait eu dix-huit pattars ayant aussi le susdit Antoine
Bryce ensorcelé les moutons du même Berteloot et a eu pour chaque mouton deux
pattars; avec quoi nous nous dirons pour toujours " Nobles dignes et
prévoyants Seigneurs, vos nobles, affectionnés amis et voisins, bailli et
hommes de la souveraine Cour féodale des villes et châtellenie de Bailleul. "
??



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